Le Test du Marshmallow Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Cet adage que l’on nous ânonnait dans notre jeune âge nous apprenait à assurer nos arrières, à minimiser l’incertitude, en somme à nous éviter de se retrouver bredouille. Pourtant, l’importance de résister à une tentation immédiate dans le but de décupler des bénéfices futurs est démontrée dès les années 60 par le professeur Walter Mischel avec un test du marshmallow très simple qui introduit le principe de la gratification différée. Le test est d’une simplicité enfantine. Un enfant justement se voit offrir un marshmallow. On lui explique qu’il peut le manger immédiatement mais que s’il attend dix minutes avant de le faire, il en aura droit à un deuxième. Laissé seul dans la pièce, l’observation de l’enfant face au bonbon devient assez amusante. Il inspecte sous tous les angles cette friandise pourtant homogène de couleur et d’aspect, à l’affut du moindre défaut qu’il ne trouve pas. Il l’hume et l’humecte, espérant collecter sur son doigt mouillé un infime morceau qu’il pourra déguster sans culpabilité. Seules les incisives de l’enfant feront la différence, selon qu’elles viennent se planter ou pas dans le bonbon. Car c’est à cet instant précis qu’il sait renoncer à la seconde sucrerie. Que vient nous apprendre cette expérience ? L’équipe du professeur Mischel suit pendant près de trente ans les enfants qui ont passé le test pour analyser la corrélation entre leur capacité à résister à une gratification immédiate ce jour-là et les choix qui orienteront leurs vies futures. (« Delay of gratification in children » de W. Mischel, Y. Shoda et M.L. Rodriguez, in Science, 1989 ; 244 : 933-8.) Les résultats sont plus que révélateurs. À l’adolescence, les enfants qui avaient privilégié la gratification différée avaient de meilleurs résultats scolaires, de meilleures relations avec leurs camarades et étaient moins sujets au stress et à l’anxiété. À l’âge adulte, cette tendance se vérifiait, montrant que les enfants qui avaient mangé le marshmallow avaient davantage de problèmes de santé dus à une mauvaise alimentation et des pratiques addictives. Leur vie personnelle était plus instable et leurs salaires moins élevés. « Le test du marshmallow est un meilleur indicateur du succès dans la vie d’un individu que le score du QI. » Plusieurs études des années 2000 corroborent ces résultats et montrent que le test du marshmallow est un meilleur indicateur du succès dans la vie d’un individu que le score du QI. Ne pas manger une friandise à l’instant T est-il à ce point déterminant vous demanderiez-vous ? Il faut croire que oui. Parce qu’en réalité il ne s’agit pas de savoir rester planté sur une chaise sans bouger. Il s’agit de se fixer un objectif et de l’atteindre, en dépit des obstacles qui surviennent. Il s’agit de préférer le futur au présent. De retarder une récompense dans l’espoir d’en augmenter sa valeur. Ou plus simplement, d’avoir un projet pour lequel se dépasser. Justement, capitaliser son présent pour développer un projet futur. Voilà en quoi le monde du travail a de quoi s’inspirer du Professeur Mischel. Les entreprises dans un premier temps, ou plutôt leurs dirigeants. Car c’est de leur capacité à tenir un cap et à faire partager la vision à leurs équipes que dépendra la réussite de leur organisation. Des employés ensuite, qui désormais repensent plus facilement leur carrière et veulent lui donner un sens. Contrairement à la génération précédente, l’obtention d’un emploi n’est plus perçue comme une fin en soi mais comme un moyen de réaliser un projet professionnel ou mieux, un projet de vie. Le rôle du recruteur sera de comprendre ces projets pour pouvoir y associer les missions les plus adéquates. Alors si vous pensez qu’il y a vingt-cinq ans vous auriez sans doute mangé le marshmallow, pas de panique ! Notre capacité à différer le plaisir se travaille et se développe ne serait-ce que par la maitrise de soi et de ses émotions. Se fixer de petits objectifs à court terme – en évitant de procrastiner bien sûr – peut-être par exemple un bon moyen de commencer !